

Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ? Qu'est-ce vous a poussé vers la réalisation ?
PC : Je m’appelle Pierre Chassagnieux, j’ai 51 ans, je suis né à Lyon et j’ai vécu dans le sud-ouest de la France. Mon parcours est celui d’un autodidacte de la réalisation, je n’ai pas fait d’école de cinéma, ni d’audiovisuel à proprement parler. J’ai une formation de culture générale classique puisque je suis diplômé de Sciences-Po, j’ai ensuite intégré une école de journalisme à l’Institut Français de Presse de Paris. Enfant, assez tôt j’avais le désir de raconter des histoires en images, je ne savais pas exactement quelle forme cela pourrait prendre – reportage – documentaire – fiction. Mais ce que je savais, c’est que j’avais des envies de film. J’ai des parents extrêmement cinéphiles qui nous ont éduqué, ma sœur et moi, en nous transmettant, en nous partageant, ce désir de cinéma là. On était très souvent dans les salles obscures pour aller tout voir, du film d’auteur, au film grand public. Je me souviens aussi que mes parents achetaient beaucoup de cassettes vidéos, les fameuses VHS, et ce sont ces films à la maison où en salle qui ont nourri, j’imagine ensuite une réflexion. À l’époque je n’imaginais pas qu’un jour je ferai du documentaire mais j’imagine qu’entre cette éducation populaire à l’art de l’image et à ce que je fais aujourd’hui, il doit y avoir un lien entre les deux.
ML : Je m’appelle Matthieu Lère, et j’ai 52 ans. De par mon éducation et mon parcours universitaire, je suis un passionné de cinéma, de musique et de géopolitique … mais ma vie importe peu.
Je préfère depuis plus de 25 ans raconter et mettre en lumière celles des autres, autour de thématiques que j’aime : luttes sociales, activisme et engagement, écologie, mouvements alternatifs en politiques comme en art.


Pierre Chassagnieux sur la photo en haut et Matthieu Lère en bas, réalisateurs français.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre film ? Pourquoi ce film, comment vous est venue l'idée, qu'est-ce qui vous a inspiré ?
PC : La genèse de notre film et avant tout une histoire d’amitié entre Matthieu Lère et moi. Je vais laisser à Matthieu le soin de raconter l’histoire du point de départ, puisque le point de départ de ce film lui est imputable. Mais, passé ce point de départ, Matthieu m’a demandé si j’avais déjà réfléchi, songé, à raconter à documenter l’histoire d’Act Up-Paris. Je lui répondais que non. Je n’y ai jamais pensé parce que j’estime et je pensais que ça avait déjà été fait. Matthieu savait de son côté que cela n’avait pas été fait. J’ai appelé Didier Lestrade que je l’avais interviewé pour A Voix Nue sur France Culture et Didier m’a confirmé ce que savait Matthieu. L’histoire de ce mouvement n’a pas été racontée. Il est évident qu’il y avait déjà eu des films qui documentaient l’histoire d’Act Up-Paris mais c’était l’histoire d’Act Up-Paris qui s’écrivait sous l’œil des caméras et de films remontant aux années 90. Notre travail a été de documenter l’association avec des archives inédites et des récits inédits.
ML : Alors que nous étions sur le parvis du centre Pompidou pour de se faire une expo, des bénévoles de l’association AIDES nous abordent et vient ce dialogue :
« – Pourrais-je vous poser quelques questions sur le Sida ?
– Avec plaisir de vous répondre mais, ayant vécu dans ma jeunesse les années noires de l’épidémie à Paris, je peux vous répondre mais je préfèrerai connaître l’opinion de mon fils.
– Alors jeune homme, tu sais quoi tu Sida ?
– Aujourd’hui c’est une maladie qui se gère voir qui n’est plus si mortelle. »
Même si le Covid était passé par là, suite à cette réponse, je me suis dit que mon message de prévention n’avait pas été assez clair. Et au regard de cette période noire des années 90 dans laquelle ma sexualité avait pris place, avec la perte d’ami.e.s, je me devais de faire un film sur ce groupe Act Up qui m’avait profondément marqué par leurs méthodes de luttes .
Quel est le message/objectif de votre film ?
PC : Le message objectif de notre film est de dire ou du moins de partager l’idée, que sans le collectif nous ne sommes pas grand-chose. À une époque où l’individu et l’individualisme dominent tout le collectif, ce film sur une aventure collective revêtait pour nous un sens fondamental. Il faut aussi savoir et comprendre que le SIDA n’est pas une maladie qui a totalement disparu. Le SIDA est encore là. Ce film s’adresse donc aux plus jeunes générations qui ignorent parfois peut-être que l’on ne guérit pas du sida. On peut éviter de l’attraper en se protégeant avec un préservatif ou avec les traitements comme la Prep, mais si on l’attrape, on n’en guérit pas.
Combien de temps a pris le tournage du film ? la durée de réalisation du film ? (de l'idée à la post-production)
PC : L’idée de ce film a débuté comme je vous le disais en préambule lors d’une discussion entre Matthieu et moi, une discussion amicale après le montage de mon précédent film consacré au cinéaste anglais Ken Loach. Cette discussion a eu lieu en juin 2023 entre ce moment-là et le rendu final du film il s’est écoulé un an et demi presque. De juin 2023 à octobre 2024, ça fait un an et quatre mois.
Quelle est votre votre scène préférée ?
PC : L’une de mes séquences préférées est celle où Cleews Vellay, le président d’Act Up-Paris, est dans le bureau du Ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy et il lui dicte, d’une certaine manière, son agenda ministériel. Les militants d’Act Up et Cleews Vellay souhaitent pouvoir discuter avec le ministre et lui demandent de les suivre dans leur local de la rue Boulanger. Le ministre n’est pas content, mais il comprend que pour eux c’est important de se déplacer et donc il les suit. J’adore cette séquence d’archives.
ML : L’une de mes séquences préférées est celle concernant le TRT5 et l’action concernant la mise sur le marché des trithérapies . Très très fort. Une action de désobéissance civile qui a fait plier les grands laboratoires pharmaceutiques et ainsi inversé la courbe de l’épidémie.
Avez-vous une anecdote de tournage à nous raconter ?
PC : Une anecdote de tournage qui me fait rire, concerne le moment de l’interview avec Pascal Loubet, l’un des co-créateurs d’Act Up-Paris. Au départ, Pascal Loubet n’était pas très enclin à participer à ce documentaire. Puis encouragé par Loïc Prigent, présent lui aussi dans le film, il finit par accepter. Il arrive pour l’interview, il est assez timide, voire même assez froid. L’interview se déroule plutôt bien, à tel point qu’au moment où elle se termine, il nous dit : « ah c’est déjà fini ? » Et il enchaîne avec d’autres anecdotes qu’il n’avait pas dites et qu’il avait envie de nous partager. Voilà, j’aime bien ce moment où quelqu’un arrive en ayant peut-être des idées reçues sur un tournage, des gens et un film et au final cela se termine avec l’idée de prolonger l’entretien. Je garde un très bon souvenir de ce moment-là.
Votre film a-t-il été présenté dans beaucoup de festivals ?
PC : Le film a fait l’ouverture du festival Chéries-chéris en novembre dernier. Il a aussi fait partie de la sélection officielle au FIPADOC 2025 à Biarritz et a été sélectionné au festival Ecrans mixtes de Lyon. En attendant les autres 😉
Avez-vous un prochain film en préparation ?
PC : Je travaille sur un documentaire où je suis une promotion de fonctionnaires de police qui étudient la sociologie.